NORD VIETNAM - A la rencontre des minorités le long de la boucle de Ha Giang
- Roksana Kiełkowska
- 1 mai 2023
- 7 min de lecture
Après avoir passé l'hiver au Kirghizistan, il était temps de tourner la page et refaire tourner le pédalier. La Chine n'ouvrant pas sa frontière aux touristes, nous avons donc pris un billet d'avion pour survoler l'Empire du Milieu. Quelques heures après avoir quitté Almaty, nous posons nos sacoches de vélos à Hanoi, notre porte d'entrée de l'Asie du Sud-Est où nous passerons au moins six mois.
Le contraste avec l'Asie Centrale est brutal. Tout d'abord, la météo. Nous étions habitués aux journées froides et sèches de l'hiver kirghize. Ici, c'est le parfait opposé, chaud et humide. Notre préférence va pour un climat continental. En passant quelques jours à Hanoï, une autre chose nous frappe : l'utilisation du scooter comme principal moyen de transport pour tous les Vietnamiens. Ils chargent leurs motos avec autant de choses qu'ils auraient mis dans une camionnette ou un van, le scooter ressemble alors plus à un champignon. De même pour certains vélos. En Asie du Sud-Est, nous serons loin d'être les plus chargés sur un deux-roues! Cela nous rappel les pick-up "Blue Nissan" trop rempli en Iran, de bons souvenirs. Une autre grande surprise pour nous est la nourriture. Pour le dire poliment, la nourriture en Asie Centrale avait une faible diversité et était principalement à base de viande. Ici, c'est le paradis ! La nourriture est saine, les options végétariennes ne sont pas du tout un problème et il semblerait que la variété des plats soit infinie. Le mieux dans tout ça ? Manger dans la rue est très bon marché, environ 1€ le plat, notre popote fera donc la sieste au fond des sacoches...
Après avoir pris nos marques dans la capitale, nous assemblons enfin nos vélos et les amenons dans un petit atelier pour un entretien bien mérité. Changer les deux chaînes après 11 000 km était nécessaire. En attendant, nous sautons dans un bus pour un trajet de 3h jusqu'à la côte Est vietnamienne et la célèbre baie d'Ha Long. Nous savons que l'endroit ne vaut qu'une courte visite et ne voulons pas nous y rendre à vélo pour ne passer qu'une journée dans la baie. Nous sommes au final content de notre choix: la baie d' Ha Long n'est pas notre coup de cœur. Après avoir passé 7 mois en Asie Centrale en étant presque les seuls voyageurs, se retrouver sur une croisière bondée de touristes à suivre d'autres bateaux eux aussi remplis de touristes, c'est tout sauf notre tasse de thé. Le temps n'est d'ailleurs pas accueillant et à l'exception du premier soir où nous assistons à un magnifique couché de soleil sur les tours de calcaire, les jours suivants sont brumeux. Au total, nous passons 2 nuits dans cette ville touristique, avant de prendre un autre bus pour retrouver Hanoï, notre CouchSurfing et nos vélos adorés. Le lendemain nous partons finalement à la découverte du Nord du Vietnam, bien acclimatés !
Faire du vélo à Hanoi est plus facile que nous ne l'imaginions. Les gens sont habitués à tous les types de deux-roues, ils restent donc concentrés et prudents. Une heure après notre départ, nous sentons des gouttes d'eau... Aïe, après avoir parcouru seulement 12 km de ce côté du continent, nous devons déjà nous arrêter une heure pour attendre la fin de l'averse… L'Asie du Sud-Est va être un défi.
Avec du recul, ce n'était pas encore la saison des pluies et il n'y a pas eu de précipitations les jours suivants.
Quoi qu'il en soit, nous continuons vers le nord, visant la frontière chinoise et la fameuse boucle de Ha Giang. Au programme des premiers jours : Être hébergé par des locaux dans leur ferme, découvrir le lac Ba Bé et ses rizières, séjourner dans un motel insalubre et quitter la région plate de Hanoï pour s'attaquer aux reliefs. Une chose que nous n'avions pas anticipé : la communication avec les locaux est très difficile. Nous réalisons que même avec Google Translate c'est impossible, en raison de mauvaises traductions et de problèmes de prononciation. Il paraît que chaque son a 6 tonalités différentes... Contrairement à d'autres pays que nous avons traversés sans parler la langue, nous avons toujours trouvé un moyen de communiquer. Ici, même le langage corporel est différent !
Après une semaine de vélo plein nord, nous atteignons la célèbre boucle de Ha Giang. Ce parcours de plusieurs jours se fait généralement en moto depuis la ville de Ha Giang. De nombreux touristes l'empruntent en convoi car une nouvelle règle interdit aux étrangers de conduire un scooter sans permis international, ce qui donne plus d'emplois et d'argent aux locaux. Nous avions peur d'être entourés de jeunes backpackers et sommes agréablement surpris de ne voir que quelques groupes rouler en sens inverse. Ce n'est pas une surprise si cette route est populaire : le paysage est à couper le souffle ! La route étroite zigzague entre, d'un côté, des montagnes de mille mètres couvertes de jungle et de l'autre, des canyons plus profonds avec des rivières vertes au fond. Un décor de cinéma. Nous passerons quatre jours sur la boucle "officielle", avec un ciel bleu et des vues spectaculaires, jonglant entre camping sauvage et hébergements pas cher. Trouver un emplacement pour la tente est toujours plus difficile que prévu. Les terrains escarpés obligent les habitants à cultiver chaque mètre carré de terrain plat, ne laissant aucune surface plate inutilisée. Pendant ces longues journée de pédalage, nous avons une vue imprenable sur la frontière avec la Chine, juste de l'autre côté de la vallée, derrière une clôture en acier de 4m de haut…
Après avoir atteint Ha Giang, nous continuons à pédaler jusqu'à Lao Cai, une grande ville frontalière avec la Chine. Sur la route, nous sentons quelque chose, une odeur agréable et sucrée. On se demande ce que ça pourrait être. En général, les odeurs que nous sentons à vélo ne sont pas terribles. Puis, nous commençons à voir beaucoup d'écorces sécher sur le bord des routes. Nous essayons de deviner ce que ca pourrait être. Soudainement, nous faisons le lien avec le nom du lodge où nous comptons passer faire un tour et peut être dormir: c'est de la cannelle! Au final c'est un peu comme les Ananas, personne ne sait comment ça pousse… Bon, maintenant on sait : elle vient d'un arbre et plus particulièrement de son écorce. Il faut sécher cette dernière sous le soleil et le tour est joué! En parlant avec les Vietnamiens, ils nous expliquent que cet épice est principalement exporté vers l'Europe et les pays occidentaux et non consommé ici. Toujours intéressant de constater que, comme les grains de café dans de nombreuses régions du monde, certains produits ont trop de valeur pour être consommés dans leur pays d'origine. Il faut l'exporter. Nous installons la tente au milieu de la forêt de cannelle et nous endormons avec ce merveilleux parfum.
Le lendemain, nous commençons à pédaler à 5 heures du matin et arrivons à Lao Cai à midi, heure où les températures culminent. De l'autre côté du fleuve, un autre drapeau flotte : celui de la Chine. Par curiosité nous nous approchons du pont reliant les deux pays et sommes surpris de voir autant de chinois le traverser dans les deux sens. Un peu triste pour nous d'être si proche de la Chine mais si loin en même temps : sans visa nous ne pouvons pas traverser. Mais nous avons d'autres choses en tête. La météo annoncée est effrayante : 40 degrés minimum pour la semaine qui suit… Il va falloir se lever tôt. Le lendemain, nous commençons le marathon des réveils à 4:30. La plus grande ascension que nous ayons eue jusqu'à présent au Vietnam se dresse devant nous : 30 km avec 1500 m de dénivelé positif pour atteindre le célèbre village de Sapa, dans les nuages. La montée est longue et difficile, la chaleur augmentant progressivement avec le temps qui passe. Heureusement, nous avons commencé de bonne heure, à midi nous atteignons la ville, complètement trempés de sueur. Sapa est un lieu très touristique, tant pour les locaux que pour les étrangers, mais pour deux raisons complètement différentes : les locaux viennent voir le plus haut sommet du Vietnam, le Fansipan, culminant à 3143m et les touristes viennent voir les rizières en terrasses. Deux mondes se retrouvent donc ici. Pendant les 24h passées à Sapa, nous ne verrons ni l'un ni l'autre : les nuages sont partout dans les montagnes autour du village.
C'est la beauté de voyager à vélo de notre point de vu: en pédalant tous les mètres entre les points d'intérêts, vous voyez et découvrez bien plus que les incontournables, qui sont la plupart du temps décevants. A Sapa nous avons rencontré des touristes européens venant pour 2 semaines au Vietnam et qui prévoyaient de passer 4 jours ici, dans les nuages… Quelle déception.
Après le village-parc d'attraction, nous continuons vers le nord-ouest, cette fois ci en direction du Laos.
Il nous faut encore quelques jours de réveil à 4h du matin pour rejoindre la dernière ville vietnamienne : Dien Bien Phu. C'est un autre point d'intérêt du voyage: la pleine de Dien Bien Phu est célèbre pour une bataille en 1954 entre français "colonisateurs" et les communistes vietnamiens, menés par Ho Chi Minh. Il y a un musée très intéressant avec beaucoup d'artefacts et de scènes de combat reconstitués. Cette ville est aussi pour nous l'occasion de dire au revoir au Vietnam, avant de continuer notre voyage à travers le pays suivant : le Laos.
Mais il faut gagner le droit de traverser cette frontière car elle se trouve à 1000m au-dessus des plaines de Dien Bien Phu, dans les montagnes. Comme d'habitude maintenant, nous nous réveillons tôt et commencons notre ascenssion. Vers 7 heures du matin, nous sommes déjà à mi-chemin lorsque des dizaines de camions commencent à monter et descendre la petite route de montagne. Nous réalisons que près de la frontière se trouve également une énorme carrière et la journée de travail commence pour eux. Cela nous donne une raison de plus pour rejoindre rapidement la frontière.
Juste avant midi, nos passeports sont tamponnés, il faut tout de même pédaler encore 8 kilomètres pour enfin arriver à la frontière du Lao, nouveau pays, nouvelle aventure. Nous laissons derrière nous tous ce que nous avons appris ce dernier mois: les bases de vietnamiens, les plats basiques, les endroits pour planter la tente... Il faut maintenant tout réapprendre dans un nouveau pays. Nous avons adoré notre mois au Nord Vietnam et nous reviendrons pour un deuxième séjour dans la partie sud du Vietnam après le Laos !
Comments