LAOS - Pays de cabanes
- Roksana Kiełkowska
- 22 juin 2023
- 7 min de lecture
19 Avril 2023. Nous atteignons notre dix-huitième pays : le Laos. Nouveau pays. Nouveaux visages. Nouvelle langue. Nous arrivons par la frontière la plus au Nord avec le Vietnam où nous venons de passer un mois. A cette période le ciel est blanc. Les montagnes du Nord du Laos sont couvertes par une brume mystérieuse. Premier coup de pédale. L’air impur pénètre dans nos poumons. Ici, il y a seulement quelques jours, toute la forêt brûlait, comme tous les ans. Nous avons de la chance, la période du brûlis est presque finie. Les terres laotiennes sont “préparées” pour de nouvelles plantations.
"Sabadiiii" - crient les premiers Laotiens lorsque nous nous approchons du premier village. C’est le « bonjour » le plus amical que l’on ait entendu depuis le début du voyage. Tout paraît aussi plus tranquille ici. Moins de motos. Plus un seul bruit de klaxon. La vie paraît comme au ralenti. Les Laotiens nous sourient constamment.
Les températures battent des records à notre arrivée au Laos. Ressenti 43 degrés. Nous adaptons le rythme de nos journées en fonction et le réveil sonne très souvent à 4h du matin. A partir de 11h, l’air brûle nos lèvres et nos mains sur les guidons. Nous découvrons que l’hébergement ici est très abordable - 6€ pour deux - ce qui sauvera plusieurs de nos après-midis au Laos.
Une petite surprise nous attend au troisième jour du voyage. Dans la ville de Muang-Khua nous trouvons un petit bateau qui peut nous ramener de l’autre côté d’une énorme montagne, à Muang-Ngoy. Il fait 40 degrés et nous avons eu notre dose de montagnes au Vietnam. Sans hésitation, nous embarquons avec nos vélos sur cette embarcation locale. Nous nous arrêtons tout au long pour récupérer des laotiens dans les villages isolés, au milieu de la jungle et reliés uniquement par la rivière.
5h et un passage de barrage plus tard, nous débarquons dans un petit paradis. Un village de pêcheurs isolé, situé au bord des flots sur un fond de vallée inespéré entre deux montagnes. Aucune route ne vient ici, tout le village est tourné vers la rivière, son lien avec le reste du monde.
Nous découvrons le goût somptueux de la cuisine laotienne, dont les ingrédients phares sont le curry, la noix de coco, la pousse de bambou et la papaye. Un contraste avec le Vietnam, qui est toujours le bienvenu.
Après quelques jours à s'imprégner de l’atmosphère rurale, il est temps de repartir de ce hameau paradisiaque. Au programme, pour quelques jours : petites vitesses en montagnes et réveil avant l’aube pour ne pas trop souffrir. Nous finissons par rejoindre l’ancienne capitale laotienne: Luang Prabang. Aujourd’hui la capitale religieuse du pays avec plusieurs dizaines de temples. Nous ressentons l’ancienne présence des français de la période colonialiste. Des petites ruelles pavées, quelques maisons en briques, pâtisseries et noms sur les panneaux doublés en Français. Un petit air de “maison loin de la maison”. La nostalgie se réveille après plus d’un an de voyage. On ne s’y attendait pas !
Nous y arrivons le jour de l’anniversaire de Roxy donc nous en profitons pour bien recharger les batteries avec un petit hébergement sympathique et un massage traditionnel pour 4€ de l’heure !
Nous continuons notre périple, toujours en direction du sud. Le Laos est sans aucun doute le pays du bivouac avec ses cabanes en bois. Des petites maisonnettes surélevées, souvent au milieu des champs, nous apportent un abri en cas de pluie ou pour les heures les plus chaudes. Dans notre cas: un excellent endroit pour poser la tente quasiment tous les soirs. Nous assistons à des scènes de vies étonnantes, notamment le lien entre les Laotiens et leurs buffles, bêtes de plusieurs centaines de kilos se roulant dans les marres de boues. Les couchers de soleil sur les montagnes sont aussi à couper le souffle.
En parlant de montagne, nous franchissons notre dernier col avant d'arriver sur Vang Vieng. C’est la motivation ultime, pousser les vélos en se disant que chaque mètre est presque le dernier. Car oui, après ce nord Laos, il ne restera plus beaucoup de dénivelé avant… la Malaisie ou L'Indonésie !
Nous passons là aussi quelques jours à Vang Vieng, qui est bien trop touristique à notre goût. Le seul avantage de notre point de vue est le logement abordable et la nourriture variée. Car oui, on ne retrouve plus les bons petits curry au bord de la route, seulement du riz. Les alentours sont tout de même magnifiques, on en profite pour se balader.
Devant nous, les plaines, le Mékong et la route principale que l’on essaye d'éviter le plus possible. Nous décidons de ne pas aller à Vientiane, la capitale, qui n’a pas de véritable intérêt et qui nous ferait faire un détour. Nous prenons donc un raccourci à travers les champs. Les premiers kilomètres sur du plat depuis de longs mois, nous sommes ravis. Mais il y a un hic. Il fait chaud, trop chaud. Les après-midis sont intenables et le soleil tape trop fort. Un midi, alors que nous sommes sur le point de fondre sur les chaises en plastique d’un petit restaurant le long de la route, je regarde la carte et tombe sur une suggestion de logement à 8km dans notre direction. Les premières photos me coupent le souffle. Malheureusement, je sais d’avance que ce ne sera pas dans notre budget. Je regarde les commentaires par curiosité “Mais non !!!” - je crie en partageant avec Roxy la nouvelle. Un des commentaires indique qu’il est possible d’utiliser la piscine seulement pour quelques euros. En moins de 5 minutes, nous sommes sur les vélos et pédalons à un rythme soutenu.
Une demi-heure plus tard nous sommes à la réception de ce luxueux domaine, en lisière de la forêt primaire qui recouvre une petite chaîne de montagnes. Nous laissons les vélos et 1,5€ chacun, puis une petite voiturette de golf nous emmène au plus profond de la forêt. Là, nous arrivons au paradis sur terre: une immense piscine sous la canopée avec un bar au design soigné et chaleureux. Nous avons trouvé notre refuge pour l'après-midi. Le soir, nous ressortirons et dormirons dans une cabane à proximité.
La descente du sud du Laos se fait par son côté ouest, le long du Mékong. La route est longue et pas mal empruntée. Nous arrivons en quelques jours à Thakhek d’où une fameuse boucle part dans les terres. Il fait trop chaud, trop de dénivelé, nous sommes un peu démotivés et surtout, la route est encore longue jusqu’à la frontière sud et nous n’avons plus que 10 jours de visa. Une prochaine fois.
Un peu plus au sud encore, nous organisons une rencontre avec un autre cycliste, qui remonte le Laos. Nous nous donnons nos itinéraires respectifs et nos positions afin de ne pas se louper. Nous suivons chacun l’aventure de l’autre sur les réseaux depuis plusieurs mois et nous nous sommes ratés au Tadjikistan. Une fin d’après midi sur les petites routes rurales le long du Mékong, nous finissons par croiser Stu. Un anglais voyageant seul avec son vélo à gros pneus. Parfait pour les routes “gravels”. Ni une, ni deux, les présentations sont faites et nous sautons dans le Mékong pour se rafraîchir avec quelques bières. Le soir venu, vous l’aurez deviné, c'est la cabane laotienne au menu. Nous nous racontons nos péripéties vécues ces derniers mois, un peu comme avec Chad dans le désert Ouzbek, 7 mois plus tôt.
Nous reprenons la route - encore et toujours - vers le sud. En trois jours nous arrivons à Pakse, la dernière grande ville du sud du Laos. Roxy ne se sent pas bien depuis la veille et nous décidons d’aller faire un tour à l'hôpital pour voir un médecin. Dans ces pays où les maladies tropicales sont légions, il ne faut pas sous-estimer le risque et consulter à la première fièvre qui persiste. Fausse alerte, nous sommes rassurés. Petite journée de repos pour faire le plein d'énergie, juste avant la montée au plateau de Bolaven. C’est le lieu où est cultivé le fameux café Laotien. Nous avons hâte.
La route pour le plateau est douce, on gagne 1000 mètres de dénivelé sur 50km. Nous sommes entourés de plantation de café. Nous nous arrêtons à une cascade à midi et Tommy fait même un plouf rafraîchissant. Le soir, nous dormons sur le plateau, il fait frais à 1200m d’altitude, c’est agréable.
Mais la perspective de pédaler avec ces températures clémentes est vite oubliée : le lendemain, nous redescendons de l’autre côté du plateau… de 1000m ! La saison des pluies s’invite aussi au voyage (enfin, on l’attendait!). Les averses sont fréquentes et puissantes sur le plateau. L’inquiétude arrive aussi concernant le visa. Il nous reste 3 jours pour faire 180 km et… 5000m de dénivelé. Ça va être une course contre la montre et Roxy est encore un peu faible des jours précédents. Nous pédalons jusqu’à une première montée mais les chiffres sont formels : des passages à plus de 20%. Il fait déjà chaud et nous sommes exténués. séance d’auto-stop obligé. Mais nous sommes dans un recoin du Laos et non sur la route principale, peu de trafic ici. Finalement nous sommes chanceux et une camionnette passe - la seule depuis un moment - et nous permet de franchir ce premier obstacle. Nous sommes sans voix lorsque le petit véhicule peine à monter sur la pente. Il aurait fallu pousser tout du long… Nous continuons à vélo jusqu'à la prochaine montée. Nous tentons un deuxième stop qui finit par marcher. Un habitant du dernier village Laotien, perdu dans la forêt, nous pose sur sa cargaison de brique. Il est tellement lourd que nous sommes obligés de nous arrêter à mi-montée pour faire refroidir le moteur. Nous plantons la tente… dans une cabane, pour terminer notre séjour au Laos en beauté. De ce dernier hameau d’une centaine d'habitants, il reste une dernière montée de 12 km jusqu’à la frontière Vietnamienne. Nous sommes motivés et nous nous réveillons tôt, mais dès 5h du matin le taux d’humidité dans l’air dépasse le pourcentage de la pente. Nous transpirons de chaque porosité de notre peau et les t-shirts s’essorent à la main. Pas de trafic sur cette petite route qui serpente dans la montagne au milieu des arbres centenaires grimpant jusqu'au ciel. Nous sommes seuls au milieu de la jungle dense. On entend seulement le bruit de nos roues et des oiseaux sauvages.
Vers midi, nous voyons enfin apparaître au loin un monument immense, une arche de plusieurs dizaines de mètres de haut qui marque l’arrivée au Vietnam. C’est l’extase.
Un mois à parcourir le Laos de sa frontière la plus au nord à sa frontière la plus au sud. Un mois à découvrir ce pays méconnu enclavé en Asie du sud-est. Nous avons adoré le Laos et pensons y revenir un jour, sûrement avec des vélos plus légers et plus tout-terrain pour découvrir les coins les plus reculés.
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