KIRGHIZISTAN - Pays hôte pour l'hiver !
- Roksana Kiełkowska
- 4 janv. 2023
- 6 min de lecture
Enfin ! Après six mois, quatre jours et un peu moins de deux heures de voyage depuis Aime, en Savoie, nous arrivons enfin en Kirghizie ! C’est un symbole fort pour nous: le pays est notre point de mi-parcours, notre ravito à mi-course, notre lieu de repos pour l’hiver avant de repartir pour de nouvelles aventures, à vélo toujours, vers l’Australie.
Il était temps d’arriver, Novembre est là et dans cet hémisphère, l’hiver n’est pas loin ! Nous entrons donc dans ce beau pays par une porte secrète depuis l'Ouzbékistan: la très confidentielle frontière pédestre de Izboskan. Aucun véhicule à moteur ne peut passer la ligne imaginaire ici, il faudrait aller 100km plus à l’Est par la ville d’Osh. Mais nos vélos ne connaissent pas les moteurs et nous traversons ici comme avant nous de nombreux cyclistes (Maxime Rey, les Sunriders, Les Canadiens, Meg & Dick et leur tandem…). Après les formalités, maintenant habituelles pour nous, de l'Ouzbékistan: “Do you have a Drone ?”, nous foulons enfin la Suisse d'Asie Centrale ! Nous y étions pour la dernière fois un an et demi en arrière, en plein été pour de l’alpinisme et du vélo - déjà. On se sent donc presque comme à la maison.
Nos premiers kilomètres furent à la hauteur de notre impatience à retrouver ce pays. Une magnifique route, sinueuse, sans trafic et par dessus tout : en descente ! Le bonheur… Kirghiz !
Mais notre joie ne fut que de courte durée, alors que nous pédalons le long du No-mans-land de la frontière - des fils barbelés au milieu d’un champ - les nuages noirs commencèrent à se rapprocher et se faire menaçants. Le dilemme que nous allions vivre pendant la prochaine semaine se fit connaître: s'arrêter maintenant dans un abri tant que nous étions secs, ou continuer plus loin au risque de finir trempé. Nous étions devenus, sans le savoir, des joueurs de poker.
A 15h et à un jet de pierre de la frontière que nous avions longé en ce début d’après-midi, nous nous arrêtons. Une charmante fermette avec un grand porche pouvant faire office d'abri pour la tente nous fait de l'œil depuis la route. Par chance, elle est occupée par une famille Kirghiz qui nous accueille les bras grands ouverts. Difficile de rendre l’appareil pour nous voyageurs, qui ne transportons pas grand chose à offrir. Heureusement, Roxy parle Russe, langue très pratiquée dans cet ex-pays d’URSS. On assouvit donc la curiosité de nos hôtes, qui ont souvent une multitude de questions sur la vie en Europe. Dernièrement, nous avons aussi remarqué que les locaux ont souvent des vélos en piteux état, on en profite donc pour leur redonner une santé - quand c’est possible - avec quelques rustines, un peu d’huile, un coup de clef ça et là.
Il nous faudra en tout 4 jours pour gagner le réservoir de Toktogul et la ville du même nom. En route, nous sommes invités à un banquet kirghiz, plantons la tente dans les champs infinis avec au loin les montagnes qui se rapprochent, mais qui sont toujours sans leur manteau blanc. La question que tout le monde se pose: va-t-on arriver à Bishkek, capitale Kirghiz, avant la neige ?
Nous atteignons Toktogul un certain 7 novembre, le jour de l’anniversaire de Tommy. On en profite pour se poser dans une guest house et laisser passer 2 jours de pluie non-stop. La réponse à la précédente question vient d'être donnée: la neige est là ! Nous avons goûté dans cette ville lacustre des plats traditionnels que nous avions testé un an et demi auparavant. Plusieurs recettes sont directement dérivées des plats asiatiques, tels que le Boco Langman, qui est un wok de bœuf, nouilles et légumes. Délicieux mais bien gras. Pile ce qui nous fallait avant d’affronter le plus gros défi depuis le début du voyage: passer la chaîne de montagnes qui nous sépare de Bishkek, avec deux cols à plus de 3000m.
Nous nous préparons mentalement et faisons des stocks de nourritures pour les jours à venir.
Programme du premier col: plus de 2300m de dénivelé à grimper sur 65 km pour atteindre le célèbre col d'Ala-Bel à 3175m. Il faisait très froid. Les prévisions pour les trois prochains jours descendaient jusqu’à -17°c pendant la nuit, mais avec un grand ciel bleu pendant la journée. Nous avons décidé de diviser la montée en deux jours. Le premier jour nous grimpons les 45 premiers kilomètres "facile" avec 1500m de dénivelé. Une longue queue de camion (une centaine!) nous surprend en ce début de montée. Ils sont arrêtés à une barrière qui ne laisse passer que les véhicules légers, la chaussée étant encore peu praticable la haut: nous sommes prévenus ! Au moins nous ne verrons aucun camion ce premier jour d'ascension, reposant. Le deuxième jour fut un peu différent…
Grâce à nos amis anglais qui voyagent en Tandem et qui étaient passés par là il y a 1 mois, nous avons trouvé un abri protégé du vent à 2300m, entouré de cabanons de nomades - vides en cette période hivernale. Nous avons quand même eu un -10° C constant pendant la nuit. Heureusement nous avons pu faire fondre la neige pour rester hydraté et nous préparer des thermos de thé chaud pour la nuit et le petit matin. Salvateur ! Quand nous nous sommes réveillés, tout était gelé : nos bananes et raisins étaient immangeables. Le Miel dur comme du béton et le thé dans le thermos évidemment, froid.
Il nous reste alors 17 km de montée pour atteindre le col. Après une nuit agitée et glaciale à 2300m, nous nous sentons épuisés mais motivés.
Nous partons vers 10h, avec les premiers rayons de soleil. Les 5 premiers kilomètres se passent plutôt bien. Les vélos ont vraisemblablement bien réagi aux températures négatives de la nuit. Les dix derniers kilomètres sont par contre une véritable épreuve pour nous : une lutte constante pour rester sur le vélo et avancer. Puissant vent de face, ce qui fait descendre encore plus nos températures corporelles. Le manque d'espace sur la route est le principal danger. Les camions qui, jusque-là, étaient bloqués dans la vallée en attendant le feu vert des autorités passent maintenant à vive allure, ne pouvant ralentir de peur de ne plus repartir dans les côtes bien prononcées. Mais la route n’est que partiellement dégagée, seulement par le vas et vient des véhicules, nous n’avons donc pas notre habituel bas-côté et notre distance de sécurité. Nous essayons donc de rouler sur la glace, mais les pneus glissent. De nombreux arrêts sont nécessaires pour remuer nos membres engourdis par le froid et pour maintenir la circulation dans nos pieds et nos mains. Va-t'on y arriver ? Nous commençons à douter et les températures sont glaciales. Il nous faut puiser dans nos réserves d’energie au plus profond de nous. Lorsque nous arrivons finalement au col, nous sommes épuisés ! Physiquement et mentalement. Mais nous l’avons fait : le dernier gros coup de pédale du voyage en 2022. Après un selfie pour la postérité avec le panneau estampillé de notre logo-autocollant, c’est figés jusqu'aux os que nous commençons le stop pour descendre de l'autre coté, impossible de faire du vélo avec les surfaces verglacées et le trafic du jour.
Un camion nous prend rapidement, ne comprenant pas ce que nous faisons ici à cette époque de l’année. Comme tout chauffeur de camion, il a une histoire avec des cyclistes qui remonte à quelques années. Tout le monde à une histoire avec des cyclistes au Kirghizstan, pays du cheval et du vélo. Nous traversons ensemble un long plateau, recouvert de blanc. C’est ici, l’été, que les nomades mènent paître leurs troupeaux de chevaux - viande très consommée ici - et producteur du lait de jument, indispensable pour la boisson locale: le Kumus. Les yourtes sont des centaines ici à la période estivale, mais cela fait plusieurs semaines que les nomades ont tous plié bagages et sont descendus dans les plaines. C’est aussi ce que nous faisons avec le camion, qui nous permet de passer le second col à 3000m, équipé d’un tunnel à une seule voie et à la circulation alternée. Content de ne pas l’avoir traversé à vélo celui-là !
Plus bas dans la vallée nous reprenons notre moyen de déplacement nomade. Il ne nous reste qu’une centaine de kilomètres avant Bishkek et nous profitons de chacun d’entre eux à vélo. Nous nous arrêtons dans un Orphelinat dans le dernier village avant la capitale. Ici, Allen, un missionnaire américain, vit et élève sa grande famille. Une quinzaine d’enfants qui ont le luxe d’avoir de nombreuses passions: les langues, la musique, la cuisine… Une vraie petite société qui fonctionne à merveille. Vous pouvez en lire plus sur un blog en anglais (http://earth-roamers.blogspot.com/2015/09/friends-of-children-orphanage-sokuluk.html)
Mais il est temps de rejoindre la ville, Bishkek, où nous laissons nos fidèles destriers en échange de matériel un peu différent: l'équipement de ski de rando qui nous attend ici grâce à Henri, un collègue. Les vélos vont hiberner jusqu’aux beaux jours, pendant que nous explorerons les montagnes Kirghizes à ski de rando. Pour cela, nous élisons domicile à Karakol, 4ème plus grande ville du pays, au pied d'une chaîne de montagnes et d’une petite station de ski.
Affaire à suivre …
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